Souvent au cinéma, c’est l’histoire d’un départ vers de nouveaux cieux qui est relatée : aspirations, rêves souvent perdus, péripéties qui tournent au drame, «Rajaa» ou «Le retour», signé par la jeune réalisatrice tunisienne Charlie Kouka, est le récit d’un retour brutal chez soi et son impact sur la vie de Tarek, 27 ans, toujours aux prises avec ses tourments et ses égarements émotionnels.
Ce court-métrage de 22 minutes raconte une reconstruction de soi en cours. Un contrecoup dur à encaisser, une épreuve post-traumatique provoquée par le rapatriement violent de Tarak, après 7 années vécues en clandestinité en Italie. Retour progressif à la case départ, à une vie qu’il croyait avoir quittée pour un avenir bien meilleur, à une recherche de repères difficile, plus précisément à Beb Jedid à Tunis, quartier de son enfance, entouré de sa mère qu’il affectionne particulièrement, des amis de son quartier, et de sa salle d’arts martiaux.
Du haut de ses 20 ans il avait des rêves plein la tête, dissipés par ce retour… tragique. «Rajaa» en arabe, le titre est incontestablement un retour, celui de toutes les remises en question, mais il est aussi rétrospectif, lent, épuisant, et douloureux.
La personnalité torturée de Tarak est aux antipodes de sa complexité et de son mal-être : elle est broyée par un vécu peu reluisant. Tarak éprouve le besoin de se réaffirmer, a besoin de reconnaissance sociale. Un but primordial dans un environnement où la virilité prime. Ses rapports sociaux en sont également affectés : Tarak frime, revient sur un passé qu’il veut montrer glorieux, jusqu’ à sa prouesse violente avec les autorités… qui s’est conclue par ce retour. Tarak, ce sont ses relations avec sa mère, avec les jeunes de son quartier, sa rivalité/admiration/attirance ressenties envers un autre jeune Franco-Tunisien, et filmées avec subtilité. Plusieurs états d’âme se bousculent pendant une vingtaine de minutes, faisant de Tarak une âme errante… qui trouvera (ou pas) un semblant de paix, en se résignant, en acceptant son présent afin de pouvoir se créer un nouveau départ. C’est le court récit d’un «retour» ou comment faire le deuil d’un passé houleux d’immigré clandestin, violemment interrompu, de s’affranchir de ses égarements et d’aspirer à aller de l’avant… malgré tout.
Farès Landoulsi, Sondos Belhassen et Selim Kechiouche, qu’on ne présente plus, forment un trio d’acteurs remarquables. Ils tiennent les rênes du dernier court-métrage en date de Charlie (Nawel) Kouka qui a déjà, à son actif, 4 courts-métrages réalisés entre 2013 et 2019. «Rajaa», produit par le Fémis, a été retenu au Fameck 2020 et au Red Sea International Film Festival, entre autres.